Quelques Éruptions Volcaniques Historiques Mémorables (par Philippe Thiran)
Sont retenues pour cet article les éruptions volcaniques historiques de Santorin, du Samalas, du Laki et du Tambora. Le Krakatau, du Novarupta et du Pinatubo feront l’objet d’un prochain article.
Santorin, appelé aussi Théra, est une île du sud de la mer Égée à 120 km au nord de la Crète. Au XVII° siècle av. J.C., elle subit une éruption cataclysmale qui projeta dans l’air un volume de tephra estimé à 30 km3. Une partie de ceux-ci recouvrit le reste de l’île d’une couche de 60 m d’épaisseur; on en retrouva jusqu’à 900 km au sud de celle-ci.
Cette éruption provoqua l’effondrement d’une grande partie de l’île. Il s’ensuivit un gigantesque raz-de-marée dont les vagues de 200 m de haut ravagèrent le littoral crétois. Des volcanologues retrouvèrent, en effet, des traces de ce tsunami sur le littoral du nord de la Crète jusqu’à 400 m dans les terres.
Cette éruption est à l’origine du mythe de l’Atlantide décrit par Platon, au IV° siècle av.J.C. Celui-ci était lié à la civilisation minoenne qui régnait, à l’époque, dans cette région. (note 1)
Il fallut toutefois attendre 1967 pour que des fouilles sur l’île mettent à jour, sous plusieurs mètres de ponces, une cité antique que l’on dénomma “la Pompéi de l’âge du Bronze”.
Lorsqu’un touriste séjourne actuellement sur ce qui reste de l’île de Santorin, il découvre que la caldeira, longue de 6 km, est occupée par deux îlots appelés Palea Kaméni et Néa Kaméni, soit “Vieille et Nouvelle Brulée” respectivement.
Ces îlots résultent de nombreuses poussées de fractions du magma qui était resté sous-jacent.
Samalas est un volcan qui culminait à 4.200 m sur l’île de Lombok de l’archipel indonésien. En 1257, il entra en éruption qui fut le plus important évènement volcanique des temps historiques.
Cette éruption projeta en effet dans les airs, 91 km3 de tephra. A la fin de celle-ci, l’effondrement du volcan créa une immense caldeira qui est actuellement occupée par les eaux du lac Segara Anak et le cône volcanique actif, le Baru. Le lac est surplombé par le volcan actif, le Rinjani.
L’éruption envoya également dans les airs une importante quantité de sulfates ce qui entraîna un épisode de refroidissement climatique qui serait le facteur principal d’un petit âge glaciaire entre le XIV° et le XIX° siècle. Celui-ci affecta surtout nos régions par des hivers froids et longs.
Au moment de l’éruption, l’île était occupée par le royaume de Lombok, dont la ville principale a été ensevelie comme Pompéi. Son emplacement est toujours recherché.
A noter qu’il fallut un certain temps pour identifier cette colossale éruption. Son existence a d’abord été révélée grâce à des cendres piégées dans les glaces du Groenland et des traces de récits historiques écrits en javanais. Sa localisation n’a été formellement identifiée qu’au début des années 2010, avec la confirmation de la date.
Un excellent film retrace l’étude de cette éruption « Le mystérieux volcan du Moyen Age de Pascal Guérin » Construit sur le mode du thriller, ce documentaire suit le fil d’une enquête internationale sur un volcan mystérieux, berceau de l’une des plus grandes éruptions de ces dix mille dernières années.
Laki désigne un ensemble de cratères alignés S.O – N.E au S.O. du grand glacier Vatnajökull, en Islande.
En juillet 1783 débuta une éruption fissurale qui s’étendit sur 25 km et qui dura jusqu’en février 1784, soit 8 mois.
Au cours de celle-ci, jaillirent, tout au long de la fissure, plus d’une centaine de cratères, dont la hauteur varie entre 40 et 70 m
Cette longue éruption émit de grosses quantités de laves accompagnées de gaz toxiques, à savoir: 15,1 km3 de laves qui recouvrirent 565 km2 de terres islandaises (le plus important épanchement lavique des temps historiques) et 122 millions de tonnes de SO2 qui au contact de l’humidité de l’air et de l’eau volcanique, se transformèrent en 250 millions de tonnes d’acide sulfurique.
Les dégâts sur la population et le bétail islandais furent impressionnants:
– environ 10.000 personnes (un quart de la population) périrent de faim,
– la moitié des bovins et les trois quarts des ovins furent empoisonnés.
L’éruption provoqua en outre un abaissement de température sur l’ensemble de l’Europe, entraînant des étés pourris, de mauvaises récoltes et une surmortalité estimée à 200.000 personnes.
Certains historiens pensent que ce fut l’une des causes de la Révolution Française. Les perturbations climatiques qui durèrent jusqu’en 1789, entraînèrent de très mauvaises récoltes qui affamèrent la population.
Tambora est un strato-volcan situé dans la presqu’île nord de l’île de Sumbawa, laquelle est située à quelques kilomètres à l’est de l’île de Lombok de l’archipel indonésien.
Ce volcan culminait à 4300 m avant son éruption cataclysmale du 5 avril 1815 au cours de laquelle il s’effondra de 1400 m en formant une caldeira de 6 km de diamètre.
Au cours de cette éruption, il éjecta 100 km3 de tephra et un volume de SO2 d’environ 55 millions de t.
Les conséquences furent dramatiques:
– l’île de Sumbawa fut entièrement ravagée et 12.000 habitants perdirent instantanément la vie. (voir note 2)
– 48.000 personnes moururent de faim et d’épidémies à Sumbawa et sur l’île de Lombok,
– dans la stratosphère, le nuage de cendres fit plusieurs fois le tour de la terre, et le volume de SO2 fut transformé en gouttelettes d’acide sulfurique.
Il en résulta un refroidissement mondial de 0,7 à 1,5° C. lequel entraîna en Europe une poussée des glaciers des Alpes, et une extension de la banquise de l’océan Arctique et ce, pendant trois ans. De l’extension des glaciers des Alpes, 20.000 personnes moururent de famine, essentiellement en Suisse. Le monde prit connaissance de l’origine de cette catastrophe par les bruits de l’éruption qui atteignirent la capitale de l’Indonésie. Le pays se croyant attaqué, envoya un détachement militaire qui, en suivant le nuage de cendres, découvrit l’île de Sumbawa complètement ravagée. Un rescapé leur raconta le déroulement effrayant de cette éruption cataclysmale. (note 2)
Note 1.
La civilisation minoenne fut la première civilisation européenne qui naquit dans les îles de Crète et de Santorin vers 2000 ans av.J.C.
Peuple de marins, ils régnèrent sur toute la Méditerranée pendant 500 ans, installant des ports et des comptoirs qui furent prospères. Leur capitale, Cnossos, en Crète, fut une cité riche de palais raffinés, devenue actuellement une cité archéologique très visitée.
Note 2.
Selon une chronique historique d’un royaume voisin, les pentes du volcan étaient occupées par trois petits royaumes dont les habitants se livraient à des cultures intensives, suite à la fertilité des sols enrichis par les nutriments des cendres volcaniques. Après la mise à jour, à la fin du XX° siècle, de restes calcinés d’habitations, de squelettes humains et de divers objets, cette région fut baptisée “La Pompéi oubliée de l’Orient”.
Sources bibliographiques.
– Volcanologie, par Jacques-Marie Bardintzeff, 6°édition, Dunod, 2021,
– Éruptions Volcaniques, histoire illustrée du monde entier, par Pierre Matthey, Favre, 2011,
– Histoires de Volcans, Chroniques d’éruptions, par Dominique Decobecq et Claude Grandpey, Omniscience, 2022,
– Des Volcans et des Hommes, par Philippe Boursellier et Jacques Durieux, La Martinière, 2001,
– Revue LAVE n°162, Impact du volcanisme sur le climat passé et présent de la Terre, par Michel Detay, 2013.
– Courrier International, La Pompéi oubliée de l’Orient, n°1143 septembre 2012.
– Lost Kingdom, National Géographic, février 2006.