Les Ressources Minérales de la Transition Énergétique : Les Besoins futurs
Par Philippe Thiran
Sont concernés ici non seulement les métaux moins utilisés jusqu’il y a quelques années et décrits dans la première partie, mais aussi ceux d’utilisation courante, principalement le cuivre.
Les Défis à surmonter.
Le premier défi consisterait à développer une société moins consommatrice d’énergie ou à minima de stabiliser la consommation sans toutefois faire préjudice aux pays en voie de développement. En effet, ces derniers sont engagés dans des logiques légitimes de progrès économiques et sociaux, nécessitant bien souvent une augmentation de la consommation énergétique.
Nous traiterons ici uniquement l’aspect des ressources énergétiques nécessaires et disponibles sans prendre en compte d’éventuelles évolutions politiques ou sociétales. Ainsi, dans l’article, il n’est pas tenu compte du développement d’une société qui serait moins énergivore.
Ainsi, pour atteindre l’objectif d’une atmosphère décarbonée en 2050, soit d’ici un peu plus de 25 ans, les quantités à produire devraient atteindre entre 3 et 10 fois les quantités actuelles selon les métaux ou atteindre comme pour le cuivre une production très importante de 40 millions de t par an soit le double de la production actuelle.
Pour atteindre ces quantités, l’extension et/ou la découverte de nouveaux gisements ne suffiront pas. Il faudra en même temps:
– développer ou intensifier le recyclage,
– trouver des produits de substitution totalement ou en partie,
– des processus moins gourmands en matières premières.
Lié à cet accroissement des quantités est celui de l’énergie à produire pour la fabrication de ces ressources supplémentaires.
Cela entraînera l’installation de nouvelles unités de production pilotables, hydrauliques et nucléaires, pour pallier l’intermittence aléatoire des éoliennes et des panneaux solaires à installer.
Il sera donc nécessaire de renforcer et de dédoubler par endroit les réseaux de transport de l’électricité, en tenant compte des pointes de production des énergies renouvelables, sous peine de devoir déconnecter des utilisateurs des réseaux. .
Les Métaux critiques.
le Cuivre.
Les 40 millions de t cités plus haut, résultent d’abord des besoins supplémentaires pour l’apport d’énergie par les énergies renouvelables. Les quantités de Cu sont en effet de 4 à 13 fois supérieures par MW par rapport à celles requises par les énergies fossiles.
Ensuite, pour la construction de véhicules électriques, la quantité est multipliée par 4 soit 40 à 80 kg selon les modèles par rapport aux véhicules thermiques
En troisième lieu, ce sont les extensions des réseaux de transport et de distribution de l’électricité, qui portent l’estimation des besoins à 40 millions de t.
Concernant cet aspect quantitatif, un facteur favorable est que le cuivre est recyclable en moyenne à 30%, et ce sans altérer ses propriétés.
Par contre, malgré l’évolution des technologies qui permettent d’extraire les métaux de gisements de moins en moins concentrés, la quantité d’énergie nécessaire augmente et il existe un point critique au-delà duquel le gain ne compense plus la perte liée à l’extraction.
Quant à l’appoint de nouveaux gisements, les grandes sociétés minières déclarent que 8 à 10 ans sont nécessaires entre la découverte et la mise en exploitation.
On comprend mieux dès lors pourquoi actuellement différents experts agitent la sonnette d’alarme principalement sur la concrétisation des besoins en Cu.
le Lithium.
Le lithium reste l’élément essentiel des batteries rechargeables utilisées pour le stockage de l’électricité produite par les énergies renouvelables et pour le fonctionnement des voitures électriques.
Pour autant qu’on puisse obtenir les permis d’exploitation, les ressources identifiées seraient suffisantes pour atteindre l’objectif zéro carbone en 2050.
Mais le problème est aussi la dépendance de la Chine pour le lithium raffiné. Alors qu’en 2021 la production sur son territoire ne représentait que 13% de la production mondiale, ce pays contrôlait 75% du marché des batteries grâce aux mines qu’elle exploite ailleurs pour les métaux nécessaires.
le Cobalt
Au rythme de l’utilisation actuelle, les réserves connues seraient épuisées avant 2050 du seul fait de son utilisation dans les batteries des véhicules, et ce malgré la substitution partielle du cobalt par le nickel et le manganèse telle qu’elle se pratique actuellement.
L’autre défi est le fait que 60 % environ de la production provient de la RDC où elle est liée à la production du cuivre.
les Terres Rares
Le défi est double, d’une part se libérer de la dépendance de la Chine et d’autre part, inventer de nouvelles manières d’extraction pour limiter l’impact environnemental et les conséquences sur la santé humaine.
Pour diminuer la dépendance de la Chine, le Groenland qui contiendrait jusqu’à 25 % des réserves de la planète pourrait jouer ce rôle.
Mais les obstacles pour l’exploitation de ces réserves sont nombreux: outre les conditions climatiques, le pays manque d’infrastructures, essentiellement de centrales électriques et de ports en eaux profondes.
Par ailleurs, le recyclage pourrait limiter la création de nouveaux sites d’exploitation. Or actuellement, il n’est que de 1 %.
le Silicium
Compte tenu de l’importance de l’énergie nécessaire à sa production et du rejet de dioxyde de carbone, il apparaît indispensable de lui trouver un substitut pour les panneaux photovoltaïques..
Depuis quelques années, des essais de substitution partielle et totale sont en cours, avec un groupe de minéraux dénommés les pérovskites, qui ont une structure cristalline hybride, similaire à celle de la pérovskite, le titanate de calcium.
L’objectif est double: augmenter le rendement actuel de la transformation de l’énergie solaire en électricité de 15 % à 30 % et remplacer le silicium.
Le Recyclage.
C’est probablement le défi qui sera le plus difficile à surmonter.
Si le recyclage du silicium par exemple est en cours de concrétisation, le plus problématique est celui des Terres Rares, suite à leur présence en petites quantités et à la difficulté de séparation des autres métaux, rendant l’opération non rentable.
Post-scriptum.
Compte tenu de l’évolution incessante des informations concernant les moyens pour relever les défis, ce qui précède doit être considéré comme un aperçu de la situation au moment de la rédaction de cet article.
Sources bibliographiques.
- Géologues, n°204, les métaux de la transition énergétique, collectif, 2020,
- Minéraux, le guide des passionnés, Julien Lebocey, 2019,
- La Guerre des Métaux Rares, Guillaume Pitron, 2018,
- Wikipédia, diverses informations,
- Coupures de presse, 2023.
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