Quelques Éruptions Volcaniques Historiques Mémorables (par Philippe Thiran)

Sont retenues pour cet article les éruptions volcaniques historiques de Santorin, du Samalas, du Laki et du Tambora. Le Krakatau, du Novarupta et du Pinatubo feront l’objet d’un prochain article.

Santorin, appelé aussi Théra, est une île du sud de la mer Égée à 120 km au nord de la Crète. Au XVII° siècle av. J.C., elle subit une éruption cataclysmale qui projeta dans l’air un volume de tephra estimé à 30 km3. Une partie de ceux-ci recouvrit le reste de l’île d’une couche de 60 m d’épaisseur; on en retrouva jusqu’à 900 km au sud de celle-ci.

Photo 1-Santorin, caldeira (Wikipedia)

Cette éruption provoqua l’effondrement d’une grande partie  de l’île. Il s’ensuivit un gigantesque raz-de-marée dont les vagues de 200 m de haut ravagèrent le littoral crétois. Des volcanologues retrouvèrent, en effet, des traces de ce tsunami sur le littoral du nord de la Crète jusqu’à 400 m dans les terres.

Cette éruption est à l’origine du mythe de l’Atlantide décrit par Platon, au IV° siècle av.J.C. Celui-ci était lié à la civilisation minoenne qui régnait, à l’époque, dans cette région. (note 1)

Il fallut toutefois attendre 1967 pour que des fouilles sur l’île mettent à jour, sous plusieurs mètres de ponces, une cité antique que l’on dénomma “la Pompéi de l’âge du Bronze”.

Photo 2 – caldeira (Wikipedia)

Lorsqu’un touriste séjourne actuellement sur ce qui reste de l’île de Santorin,  il découvre que la caldeira, longue de 6 km, est occupée par deux îlots appelés Palea Kaméni et Néa Kaméni, soit “Vieille et Nouvelle Brulée” respectivement.

Ces îlots résultent de nombreuses poussées de fractions du magma qui était resté sous-jacent.

 

Samalas est un volcan qui culminait à 4.200 m sur l’île de Lombok de l’archipel indonésien. En 1257, il entra en éruption qui fut le plus important évènement volcanique des temps historiques.

lac Segara Anak (P. Thiran)

Cette éruption projeta en effet dans les airs, 91 km3 de tephra.  A la fin de celle-ci, l’effondrement du volcan créa une immense caldeira qui est actuellement occupée par les eaux du lac Segara Anak et le cône volcanique actif, le Baru. Le lac est surplombé par le volcan actif, le Rinjani.

L’éruption envoya également dans les airs une importante quantité de sulfates ce qui entraîna un épisode de refroidissement climatique qui serait le facteur principal d’un petit âge glaciaire entre le XIV° et le XIX° siècle. Celui-ci affecta surtout nos régions par des hivers froids et longs.

Au moment de l’éruption, l’île était occupée par le royaume de Lombok, dont la ville principale a été ensevelie comme Pompéi. Son emplacement est toujours recherché.

A noter qu’il fallut un certain temps pour identifier cette colossale éruption. Son existence a d’abord été révélée grâce à des cendres piégées dans les glaces du Groenland et des traces de récits historiques écrits en javanais. Sa localisation n’a été formellement identifiée qu’au début des années 2010, avec la confirmation de la date.

Un excellent film retrace l’étude de cette éruption « Le mystérieux volcan du Moyen Age de Pascal Guérin » Construit sur le mode du thriller, ce documentaire suit le fil d’une enquête internationale sur un volcan mystérieux, berceau de l’une des plus grandes éruptions de ces dix mille dernières années.

 

Laki désigne un ensemble de cratères alignés S.O – N.E au S.O. du grand glacier Vatnajökull, en Islande.

Photo 5-crateres du Laki (P. Thiran)

En juillet 1783 débuta une éruption fissurale qui s’étendit sur 25 km et qui dura  jusqu’en février 1784, soit 8 mois.

Au cours de celle-ci, jaillirent, tout au long de la fissure, plus d’une centaine de cratères, dont la hauteur varie entre 40 et 70 m

Cette longue éruption émit de grosses quantités de laves accompagnées de gaz toxiques, à savoir: 15,1 km3 de laves qui recouvrirent 565 km2 de terres islandaises (le plus important épanchement lavique des temps historiques) et 122 millions de tonnes de SO2 qui au contact de l’humidité de l’air et de l’eau volcanique, se transformèrent en 250 millions de tonnes d’acide sulfurique.

Les dégâts sur la population et le bétail islandais furent impressionnants:

– environ 10.000 personnes (un quart de la population) périrent de faim,

– la moitié des bovins et les trois quarts des ovins furent empoisonnés.

L’éruption provoqua en outre un abaissement de température sur l’ensemble de l’Europe, entraînant des étés pourris, de mauvaises récoltes et une surmortalité estimée à 200.000 personnes.

Certains historiens pensent que ce fut l’une des causes de la Révolution Française. Les perturbations climatiques qui durèrent jusqu’en 1789, entraînèrent de très mauvaises récoltes  qui affamèrent la population.

 

Tambora est un strato-volcan situé dans la presqu’île nord de l’île de Sumbawa, laquelle est située à quelques kilomètres à l’est de l’île de Lombok de l’archipel indonésien.

Photo 6-Tambora caldeira (wkipedia)

Ce volcan culminait à 4300 m avant son éruption cataclysmale du 5 avril 1815 au cours de laquelle il s’effondra de 1400 m en formant une caldeira de 6 km de diamètre.

Au cours de cette éruption, il éjecta 100 km3 de tephra et un volume de SO2 d’environ 55 millions de t.

Les conséquences furent dramatiques:

– l’île de Sumbawa fut entièrement ravagée et 12.000 habitants perdirent instantanément la vie. (voir note 2)

– 48.000 personnes moururent de faim et d’épidémies à Sumbawa et sur l’île de Lombok,

– dans la stratosphère, le nuage de cendres fit plusieurs fois le tour de la terre, et le volume de SO2 fut transformé en   gouttelettes d’acide sulfurique.

Il en résulta un refroidissement mondial de 0,7 à 1,5° C. lequel entraîna en Europe une poussée des glaciers des Alpes, et une extension de la banquise de l’océan Arctique et ce, pendant trois ans. De l’extension des glaciers des Alpes, 20.000 personnes moururent de famine, essentiellement en Suisse. Le monde prit connaissance de l’origine de cette catastrophe par les bruits de l’éruption qui atteignirent la capitale de l’Indonésie. Le pays se croyant attaqué, envoya un détachement militaire qui, en suivant le nuage de cendres, découvrit l’île de Sumbawa complètement ravagée. Un rescapé leur raconta le déroulement effrayant de cette éruption cataclysmale. (note 2)

 

Note 1.

La civilisation minoenne fut la première civilisation européenne qui naquit dans les îles de Crète et de Santorin vers 2000 ans av.J.C.

Peuple de marins, ils régnèrent sur toute la Méditerranée pendant 500 ans, installant des ports et des comptoirs qui furent prospères. Leur capitale, Cnossos, en Crète, fut une cité riche de palais raffinés, devenue actuellement une cité archéologique très visitée.

Note 2.

Selon une chronique historique d’un royaume voisin, les pentes du volcan étaient occupées par trois petits royaumes dont les habitants se livraient à des cultures intensives, suite à la fertilité des sols enrichis par les nutriments des cendres volcaniques. Après la mise à jour, à la fin du XX° siècle, de restes calcinés d’habitations, de squelettes humains et de divers objets, cette région fut baptisée “La Pompéi oubliée de l’Orient”.

Sources bibliographiques.

– Volcanologie, par Jacques-Marie Bardintzeff, 6°édition, Dunod, 2021,

– Éruptions Volcaniques, histoire illustrée du monde entier, par Pierre Matthey, Favre, 2011,

– Histoires de Volcans, Chroniques d’éruptions, par Dominique Decobecq et Claude Grandpey, Omniscience, 2022,

– Des Volcans et des Hommes, par Philippe Boursellier et Jacques Durieux, La Martinière, 2001,

– Revue LAVE n°162, Impact du volcanisme sur le climat passé et présent de la Terre, par Michel Detay, 2013.

– Courrier International, La Pompéi oubliée de l’Orient, n°1143 septembre 2012.

– Lost Kingdom, National Géographic, février 2006.

 

Best of video des éruptions volcaniques de Reykjanes (Islande) 2021-2023
Suite à nos séjours « Eruption Express » pour assister aux éruptions volcaniques sur le péninsule de Reykjanes entre 2021 et 2023, nous vous proposons une petite vidéo de 7 min avec nos meilleurs images.

GEO_France Eruption du Fuego - 80 Jours Voyages
GEO_France Eruption du Fuego – 80 Jours Voyages

GEO et 80 Jours Voyages se sont associé pour publier sur Instagram une vidéo du Fuego en éruption.

Images : Sylvain Chermette

Montage : GEO_France

A voir sur Instagram

Les éruptions volcaniques préhistoriques mémorables sont au nombre de deux, connues sous le nom de Toba et Taupo.

Le volcan Toba, est en réalité le nom du lac qui s’est créé dans la caldeira créée par l’éruption d’un volcan dans l’île de Sumatra, il y a environ 75.000 ans.

Le volcan Taupo, est également le nom d’un lac créé dans une caldeira  suite à l’éruption du volcan Oruani, au centre de l’île du Nord de la Nouvelle Zélande, il y a environ 26.500 ans.

Ces deux éruptions sont qualifiées comme provenant de supervolcans, c’est à dire ayant donné lieu à un volume de dépôts de produits volcaniques ou tephra pouvant atteindre plusieurs milliers de km3. (note 1)

A titre de comparaison, l’éruption du Tambora en 1815, qui priva la France de  vin dans les deux années qui suivirent, émit un volume de tephra d’une grosse centaine de km3.

Concernant leur impact sur le climat et la société humaine, on peut affirmer d’une manière générale, sur base des effets des grandes éruptions récentes, que de telles éruptions ont dû avoir un impact considérable sur le climat et la vie sur Terre en général.

Le volume de tephra et de gaz projeté étant largement supérieur à celui des éruptions récentes, la chute de température à l’échelle mondiale, et leur durée a très probablement dû l’être aussi.

L’importance des dépôts de tephra a dû supprimer toute vie végétale et animale dans un large rayon autour du volcan et de là, affecter significativement  les conditions de vie qui s’y trouvait.

Plus précisément:

  • le Toba aurait été à l’origine de la dernière ère glaciaire, il y a 75.000 ans. Selon des chercheurs, il s’agirait d’une activité volcanique multi-phase qui aurait eu un impact plus important sur le climat qu’une éruption puissante et courte. En soumettant l’Homo Sapiens à un stress volcanique et climatique, celui-ci a été forcé à s’adapter. L’Homo Sapiens est, en effet, reconnu comme ayant une faculté d’adaptation exceptionnelle comparée à celle de ses prédécesseurs. Ce fut donc une étape dans son évolution. (voir article du CNRS – Benoit Caron)
  • l’éruption de l’Oruani, à l’origine du lac Taupo, a dévasté environ 1000 km² de l’île du Nord de la Nouvelle Zélande; toute l’île a été recouverte de dépôts de tephra. Sur les 1000 km², toute vie végétale, animale et humaine a dû disparaitre tandis que sur le reste de l’île les conditions de survie de l’Homo Sapiens a, à tout le moins, été rendue très difficile, voire impossible.
Yellowstone, 80 Jours Voyages
Yellowstone, 80 Jours Voyages

Note 1 . Des chercheurs ont recensé deux autres supervolcans, plus anciens:

– le Garita, aux USA, dans le Colorado, qui aurait émis plus de 5000 km3 de  téphra, il y a environ 28 millions d’années,

– le Yellowstone, aux USA, dans le Wyoming, a subi trois éruptions il y a 2,1, 1,3 et 0,63 millions d’années qui auraient éjecté de l’ordre 2100, 300 et 1000 km3de tephra respectivement.

 

Sources bibliographiques

Image illustration de l’éruption d’un supervolcan générée par ChatGPT

Alors que le cycle solaire de 10-12 ans atteint son apogée, l’activité solaire intense s’est d’ores et déjà illustrée avec une tempête géomagnétique extrême qui a illuminé d’aurores boréales le ciel français le 10 mai dernier.

Il y a quelques semaines, un impressionnant spectacle d’aurores boréales s’est offert à des milliers de Français. Un phénomène très rare à nos latitudes. Alors que le Soleil se dirige vers  son « maximum solaire », synonyme d’activité solaire intense, qui suit un cycle de 10-12 ans. Les astronomes confirment que les aurores devraient être plus intenses et plus fréquentes sur cette période de paroxysme.

Même si les conditions sont réunies pour voir davantage d’aurores boréales, les observer à nos latitudes reste tout à fait exceptionnel. C’est pourquoi nous vous proposons d’approcher du cercle polaire cet hiver avec notre voyage en Islande où nous tenterons de vous mettre dans les meilleures conditions possibles pour observer ce phénomène naturel unique.

Rejoignez notre voyage en Islande avec Jacques-Marie Bardintzeff et Erwan Le Berre

Notre amie Jeanne Boutemy a réalisé un magnifique timelapse des aurores boréales du 10 mai dans la Touraine que nous partageons ici avec son accord.

 

Le lundi 8 avril 2024, une éclipse solaire totale a traversé le Mexique. Nos voyageurs ayant participé à notre séjour sur les volcans du Guatemala ont eu la possibilité de prolonger leur séjour en Amérique latine pour aller observer l’éclipse chez le voisin mexicain.

Eclipse Mexique 2024-Sylvain Chermette - 80 Jours voyages
Eclipse Mexique 2024-Sylvain Chermette – 80 Jours voyages
Chapelet cactus Eclipse 2024 Mexique Jeanne Boutemy
Chapelet cactus Eclipse 2024 Mexique Jeanne Boutemy

Le suspense lié aux conditions météorologiques a persisté jusqu’à la dernière minute mais le choix de la région de Durango, qui présentait d’excellentes statistiques en termes de couverture nuageuse, s’est révélé être un bon choix. Notre groupe a pu observer dans de bonnes conditions la diminution de la luminosité du soleil et a vu apparaître l’éclipse dans toute sa splendeur.

Les observateurs chanceux ont bénéficié de plus de quatre minutes d’obscurité avec une vue détaillée de la couronne solaire, très étendue en raison de l’intense activité solaire, le spectacle était magnifique. Les protubérances solaires rouges, resplendissant au bord du disque solaire, et l’éclat argenté général ont créé un moment d’émotion inoubliable. Rendez-vous pris pour la prochaine éclipse totale prévue en Islande le 12 août 2026. Des départs sont d’ores et déjà confirmés pour ces voyages : Contactez-nous

Retrouvez également nos prochains départs pour les volcans du Guatemala

Merci à Jeanne Boutemy pour ces photos « chapelet » qui retranscrivent le spectacle vécu.

Chapelet éclipse 2024 Mexique Jeanne Boutemy
Chapelet éclipse 2024 Mexique Jeanne Boutemy

 

Les Sources de Terres Rares de la Transition Énergétique

Par Philippe Thiran (Chronique 12)

Préambule :

80 Jours Voyages est favorable à la préservation de la nature.  La limitation de la consommation énergétique permettrait de réduire au strict nécessaire l’exploitation des ressources de la planète.  Pour autant, le réchauffement climatique, l’évolution de la société et la géopolitique impliquent de se pencher sur la transition énergétique dont les Terres Rares sont l’une des pierres d’achoppement. A ce titre, il est important de comprendre l’utilité de ces Terres Rares, connaitre les gisements disponibles et  potentiels et réfléchir aux possibilités d’exploitation avec ses conséquences pour la nature et les populations.

Introduction.

L’importance des Terres Rares (en abrégé: REE, Rare Earth Elements) a été mise en évidence dans la chronique 11 qui traite des ressources minérales nécessaires pour assurer la transition énergétique.

Les plus demandées sont les Terres Rares légères (LREE). Celles-ci  regroupent les 7 premiers éléments des lanthanides, lesquels se retrouvent le plus fréquemment dans la monazite et la bastnaésite. Les LREE interviennent dans la fabrication des moteurs et accessoires des véhicules électriques, des pales et des générateurs d’électricité des éoliennes, et de tous les  appareils digitaux,

Les 7 autres regroupent les Terres Rares lourdes (HREE), qui se retrouvent  principalement dans le xénotime, un phosphate d’yttrium.  Les HREE permettent en outre de garantir à haute température les propriétés des aimants  permanents des moteurs électriques.

Bastnaesite, Wikipedia, Kovana
Bastnaesite, Wikipedia, Kovana

Monasite, Angelo, licence CC-3,0
Monasite, Angelo, licence CC-3,0

Xenotime, Mindat, Rob. Lavinsky,
Xenotime, Mindat, Rob. Lavinsky,

Types de gisements.

carbonatite du Kaisersthul: Ph. Thiran.
carbonatite du Kaisersthul: Ph. Thiran.

La littérature divise les gisements en deux catégories: les gîtes primaires associés à des processus internes de la Terre, magmatiques par exemple, et les gîtes secondaires liés à des processus d’altérations des roches, comme l’érosion.

Parmi les nombreux gîtes primaires, ceux de carbonatites sont les plus exploités étant donné leur contenu relativement élevé en REE (de 1 à 6%). Les carbonatites sont explicitées en annexe. Parmi les gîtes secondaires, ce sont ceux liés aux argiles et aux latérites (sols tropicaux ferrugineux) qui sont les plus riches en REE.

 

Gisements en exploitation.

Parmi les gîtes primaires, le plus important est celui de Bayan Obo en Chine, suivi de Mountain Pass aux USA.

mine de Mountain Pass: Wikipédia, Tmy 350
mine de Mountain Pass: Wikipédia, Tmy 350

Bayan Obo, situé dans la province de Mongolie Intérieure, est actuellement le plus grand site d’extraction au monde de REE, incluses dans des carbonatites, minéralisées par la monazite et la bastnaésite. La monazite est un phosphate qui contient les lanthanides légers (LREE), mais aussi du thorium lequel est radioactif, ce qui complique la récupération des LREE. La bastnaésite qui est un carbonate de fluor également riche en LREE, ne contient pas  cet élément dangereux.

Mountain Pass, situé en Californie,  est actuellement le deuxième site d’extraction par importance qui est aussi associé à des carbonatites. Sa minéralisation est favorable au processus de récupération car elle ne contient que la bastnaésite  avec tous les éléments légers (LREE) des lanthanides. Après avoir été arrêtée, cette mine est à nouveau en exploitation.

D’autres gîtes primaires mais d’origine magmatique alcaline, se situent  en Russie et en Suède. Leur teneur en LREE est plus faible ( environ 2 %) que celle des carbonatites.

En Russie, ces gîtes se situent  au nord-ouest du pays dans la péninsule de Kola, adjacente à la Finlande. Y est actuellement  exploitée la mine de Lovozero dont le minerai principal de REE est la loparite, un oxyde de titane, moins riche en LREE que la bastnaésite mais contenant des minéraux intéressants comme le lithium et le zirconium.

En Suède, à l’ouest de Stockholm, c’est la mine de Bastnäs, qui est actuellement en exploitation. C’est là que fut découverte le bastnaésite. Ce gisement serait dû au phénomène de skarn, métamorphisme de contact avec des granites et enrichissement en minéraux par des fluides hydrothermaux.

Les gîtes secondaires en cours d’exploitation sont de moindre importance en volume mais peuvent  contenir des REE en pourcentage supérieur à celui des gîtes primaires. C’est le cas du gisement latéritique de Mount Weld en Australie dont la teneur en REE dépasse les 8%. Il est situé  à Laverton dans la partie ouest du pays. De ce gisement sont  extraits des REE et d’autres éléments importants comme le niobium et le tantale.  Il est la propriété de Lynas Rare Earth Ltd, société australienne qui possède d’autres centres d’exploitation et qui s’avère devenir un producteur de REE  permettant de réduire leur dépendance de la Chine.

D’autres gisements secondaires sont exploités en Chine (RPC) et en Inde, mais leur production de REE est très faible.

Concernant la production de ces différentes exploitations, elles ne sont publiées que globalement avec éventuellement le pourcentage du pays. Comme indiqué dans la Chronique 11-1° partie, la production mondiale de REE exprimée en tonnes d’oxydes, a été estimée à 345.000 t pour l’année 2022, dont 210.000 t soit 60% en Chine et 43.000 t soit  12% aux USA. Par ailleurs, plus de 90% des oxydes de REE ont été raffinés en Chine et le sont encore actuellement.

Gisements à haut potentiel.

La Norvège, la Finlande et la péninsule de Kola en Russie renferment des réserves importantes et intéressantes. Les gisements y sont associés aux carbonatites. Ceux de Kovdor et d’Afrikanda renferment à eux deux un volume impressionnant estimé à 1500 millions de t de REE. Par comparaison, ceux de Norvège et de Finlande sont plus modestes étant estimés à 85 et 250 millions de t respectivement. Si la teneur en REE de ces gisements est faible, soit moins de 1 %, ils contiennent d’autres minéraux intéressants pour leur potentiel à REE, comme l’apatite,  un phosphate de calcium fluoré.

Mais c’est le Groenland qui  permettrait de réduire significativement (environ de 30%) la dépendance chinoise pour les oxydes de REE. La province magmatique de Gardar, au sud du pays contient en effet un volume impressionnant de réserves estimé à  plusieurs milliards de tonnes contenant au moins 1 % de REE et d’autres éléments importants comme le niobium et le zirconium. Les REE sont logées dans des complexes alcalins à base de syénite localement associés à des carbonatites.

Les difficultés de mise en exploitation de ces gisements à haut potentiel sont nombreuses. Au Groenland, c’est surtout le manque d’infrastructures telles que les ports en eaux profondes, les centrales électriques et la main-d’œuvre qualifiée qui à ce jour font défaut, sans oublier les conditions climatiques. Dans les autres pays, ce sont  essentiellement les procédures administratives et les oppositions de la population locale qui freinent et qui peuvent empêcher la délivrance des permis nécessaires, même dans des régions peu peuplées.

A titre d’exemple, en Suède dans l’extrême nord  du pays à Kiruna, la mine de fer la plus importante d’Europe ( 80% du minerai extrait) est en exploitation depuis plusieurs décennies. A proximité, a été découvert le plus grand gisement de REE connu en Europe. Actuellement le permis d’exploitation est embourbé dans les procédures administratives et suscite l’opposition de la petite population locale. Comme pour la mise en exploitation d’un tel gisement, il faut compter 10 à 15 ans, la dépendance de la Chine durera encore longtemps.

Recyclage.

Actuellement le recyclage des REE est très faible, 1% de la production. La difficulté provient de séparer les divers éléments en poudre comprimée, comme le sont les constituants des pales des éoliennes ou de récupérer des éléments aux propriétés similaires comme dans tous les appareils digitaux.

Conclusions.

Pour satisfaire les objectifs de la transition énergétique, il y a trois défis à relever pour les REE:

– la production de REE raffinées devrait être multipliée par 7 d’ici 2050,

– des moyens d’extraction non polluants, alors qu’actuellement la sévérité de la pollution entraine cancers et malformations des nouveaux-nés dans les zones d’extraction,

– un accroissement significatif du recyclage.

Annexe: Les Carbonatites.

Les carbonatites  sont des roches magmatiques, intrusives ou extrusives, qui contiennent au moins 50% de carbonates, généralement de la calcite et de la dolomie, et des carbonates de calcium. Elles sont pauvres en silice, moins de 2 %, très fluides et à température relativement basse, soit entre 500 et 800 °C. (photo 6).

Leur pourcentage dans l’ensemble du magma  riche en silice (plus de 40%) est très faible. Elles se distinguent de celui-ci par un processus de non-mélange, appelé “immiscibilité”.                           Certaines sont associées à des magmas silicatés enrichis en alcalis (sodium et potassium) et qui sont appelés  natrocarbonatites, tout en restant distinctes de l’ensemble des magmas silicatés. Ce type de magma est important car  il est riche en lanthanides lourds, les HREE.

Coulées de carbonnatites (blanches) dans le cratère de l'Ol Doinyo Lengaï
Coulées de carbonatites (blanches) dans le cratère de l’Ol Doinyo Lengaï

Un seul volcan actif au monde émet des carbonatites. Il s’agit de l’Ol Doinyo Lengaï, situé au nord de la Tanzanie, près du lac Natron, connu par ses colonies de flamants roses. Les Massaï le considèrent comme abritant leur dieu Engaï. Les carbonatites émises par ce volcan sont en réalité des natrocarbonatites, qui blanchissent en refroidissant, laissant croire que la partie supérieure du volcan est couverte de neige. Les détails sur la constitution de ce volcan, son fonctionnement et son évolution sont donnés dans les  n° 208 et 212 de l’Association   L.A.V. E.

Sources bibliographiques. 

  • Revue Géologue, n° 204, Article sur réserves, extraction et recyclage des Terres Tares, Collectif, 2020,
  • Bulletins de l’Association Géologique du Brabant Wallon, n°222, Christian Demaret, 2015,
  • divers articles de revues et journaux, 2023 et 2024.

 

 

Pour les Carbonatites,

  • les Revues L.A.V.E. n°208 et 2012, articles de Sylvain Chermette, l’Ol Doinyo Lengai, 2022, 2023,
  • Cours de volcanologie de Jacques-Marie Bardintzeff, 6° édition, 2021, paragraphe 5.6: Immiscibilité.
  • Article de Ludovic Leduc pour Futura

Découvrir nos voyages en Tanzanie sur l’Ol Doinyo Lengaï

 

 

Les Ressources Minérales de la Transition Énergétique : Les Besoins futurs

Par Philippe Thiran

Sont concernés ici non seulement les métaux moins utilisés jusqu’il y a quelques années et décrits dans la première partie, mais aussi ceux d’utilisation courante, principalement le cuivre.

Les Défis à surmonter.

Le premier défi consisterait à développer une société moins consommatrice d’énergie ou à minima de stabiliser la consommation sans toutefois faire préjudice aux pays en voie de développement. En effet, ces derniers sont engagés dans des logiques légitimes de progrès économiques et sociaux, nécessitant bien souvent une augmentation de la consommation énergétique.

Nous traiterons ici uniquement l’aspect des ressources énergétiques nécessaires et disponibles sans prendre en compte d’éventuelles évolutions politiques ou sociétales. Ainsi, dans l’article, il n’est pas tenu compte du développement d’une société qui serait moins énergivore.

Ainsi, pour atteindre l’objectif d’une atmosphère décarbonée en 2050, soit  d’ici un peu plus de 25 ans, les quantités à produire devraient atteindre entre 3 et 10 fois les quantités actuelles selon les métaux ou atteindre comme pour le cuivre une production  très importante de 40 millions de t par an soit le double de la production actuelle.

Pour atteindre ces quantités, l’extension et/ou la découverte de nouveaux gisements ne suffiront pas. Il faudra en même temps:

– développer ou intensifier le recyclage,

– trouver des produits de substitution totalement ou en partie,

– des processus moins gourmands en matières premières.

Lié à cet accroissement des quantités est celui de l’énergie à produire pour la fabrication de ces ressources supplémentaires.

Cela entraînera l’installation  de nouvelles unités de production pilotables, hydrauliques et nucléaires, pour  pallier l’intermittence aléatoire des éoliennes et des panneaux solaires à installer.

Il sera donc nécessaire de renforcer et de dédoubler par endroit les réseaux de transport de l’électricité,  en tenant compte des pointes de production des énergies renouvelables, sous peine de devoir déconnecter des utilisateurs des réseaux.  .

Les Métaux critiques.

 

 le Cuivre. 

Les 40 millions de t cités plus haut, résultent d’abord des besoins supplémentaires pour l’apport d’énergie par  les énergies renouvelables. Les quantités de Cu sont en effet de 4 à 13 fois   supérieures par MW par rapport à celles requises par les énergies fossiles.

 

Par Native_Copper_Macro_Digon Jonathan Zander

Ensuite, pour la construction de véhicules électriques, la quantité  est multipliée par 4 soit 40 à 80 kg selon les modèles par rapport aux véhicules thermiques

En troisième lieu, ce sont les extensions des réseaux de transport et de distribution de l’électricité, qui portent l’estimation des besoins à 40 millions de t.

Concernant cet aspect quantitatif, un facteur favorable est que le cuivre est recyclable en moyenne à 30%, et ce sans altérer ses propriétés.

Par contre, malgré l’évolution des technologies qui permettent d’extraire les métaux de gisements de moins en moins concentrés, la quantité d’énergie nécessaire augmente et il existe un point critique au-delà duquel le gain ne compense plus la perte liée à l’extraction.

Quant à l’appoint de nouveaux gisements, les  grandes sociétés minières déclarent que 8 à 10 ans sont nécessaires entre la découverte  et la mise en exploitation.

On comprend mieux dès lors pourquoi actuellement différents experts agitent la sonnette d’alarme principalement sur la concrétisation des besoins en Cu.

 

Échantillons de lithium métallique
Par Dnn87 – Photographie personnelle
Échantillons de lithium métallique.

le Lithium.

Le lithium reste l’élément essentiel des batteries rechargeables utilisées pour le stockage de l’électricité produite par les énergies renouvelables et pour le fonctionnement des voitures électriques.

Pour autant qu’on puisse obtenir les permis d’exploitation, les ressources identifiées seraient suffisantes pour atteindre l’objectif zéro carbone en 2050.

Mais le problème est aussi la dépendance de la Chine pour le lithium raffiné. Alors qu’en 2021 la production sur son territoire ne représentait que 13% de la production mondiale, ce pays contrôlait 75% du marché des batteries grâce aux mines qu’elle exploite ailleurs pour les métaux nécessaires.

 

Par Alchemist-hp – Travail personnel

le Cobalt

Au rythme de l’utilisation actuelle, les réserves connues seraient épuisées avant 2050 du seul fait de son utilisation dans les batteries des véhicules, et ce malgré la substitution partielle du cobalt par le nickel et le manganèse telle qu’elle se pratique actuellement.

L’autre défi est le fait que 60 % environ de la production provient de la RDC où elle est  liée à la production du cuivre.

 

 

Six oxydes de terres rares (dans le sens des aiguilles d’une montre à partir d’en haut à gauche) : gadolinium, praséodyme, cérium, lanthane, néodyme et samarium.
Par Peggy Greb, US department of agriculture

les Terres Rares

Le défi est double, d’une part se libérer de la dépendance de la Chine et d’autre part, inventer de nouvelles manières d’extraction pour limiter l’impact environnemental et les conséquences sur la santé humaine.

Pour diminuer la dépendance de la Chine, le Groenland qui contiendrait jusqu’à 25 % des réserves de la planète pourrait jouer ce rôle.

Mais les obstacles pour l’exploitation de ces réserves sont nombreux: outre les conditions climatiques, le pays manque d’infrastructures, essentiellement de centrales électriques et de ports en eaux profondes.

Par ailleurs, le recyclage pourrait limiter la création de nouveaux sites d’exploitation. Or actuellement, il n’est que de 1 %.

 

Échantillon monolithique de silicium (polycristallin).

le Silicium

Compte tenu de l’importance de l’énergie nécessaire à sa production et du rejet de dioxyde de carbone, il apparaît indispensable de lui trouver un substitut pour les panneaux  photovoltaïques..

Depuis quelques années, des essais de substitution partielle et totale sont en cours,  avec un groupe de minéraux dénommés les pérovskites, qui ont une structure cristalline hybride, similaire à celle de la pérovskite, le titanate de calcium.

L’objectif est double: augmenter le rendement actuel de la transformation de l’énergie solaire en électricité  de 15 % à    30 % et remplacer le silicium.

 

Depuis 1970, le ruban de Möbius est le logo universel des matériaux recyclables
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Le Recyclage.

C’est probablement le défi qui sera le plus difficile à surmonter.

Si le recyclage du silicium par exemple est en cours de concrétisation, le plus problématique est celui des Terres Rares, suite à leur présence en petites quantités et à la difficulté de séparation des autres métaux, rendant l’opération non rentable.

 

 

 

 

Post-scriptum.

Compte tenu  de l’évolution incessante des informations concernant les moyens pour relever les défis, ce qui précède doit être considéré comme un aperçu de la situation au moment de la rédaction de cet article.

 

 Sources bibliographiques.