Les ressources minérales de Namibie , pays situé au sud-ouest du continent africain, est connue du grand public pour ses déserts de sable rouge, ses parcs de grands animaux sauvages et ses sables côtiers diamantifères, source principale des revenus de ce pays.

Elle est aussi connue des grands collectionneurs de minéraux pour des spécimens exceptionnels de certains de ceux-ci.

Il est moins connu qu’elle est devenue un producteur d’uranium important, actuellement le troisième mondial, derrière le Kazakhstan et le Canada, avec 10% de part de marché.

Dans une moindre mesure, elle produit encore de l’or, du cuivre, du zinc et du plomb alors qu’antérieurement c-à-d. jusque dans les années 1990, elle exportait des tonnages significatifs de cuivre, de plomb et de zinc auxquels s’ajoutaient de l’argent, du germanium, du cadmium et du vanadium.

Ces richesses minérales sont concentrées dans les provinces d’Oshikoto au nord-est et d’Erongo au centre-ouest du pays, à l’exception des diamants qui sont exploités à l’extrémité côtière du sud du pays. Cette zone est interdite.

Leur mode d’exploitation dépend de l’importance du gisement. Selon celle-ci, l’exploitation sera industrielle (de la catégorie des industries extractives) ou artisanale.

L’importante exploitation des diamants ne sera pas traitée dans cette chronique.

Exploitation industrielle

Historiquement

La plus célèbre est la mine de Tsumeb, située au sud-est de la province d’Oshikoto, dans une zone de roches dolomitiques karstifiées des monts Otavi.

Le gisement exploité est de type filonien ayant l’allure d’un tube sub-vertical qui s’étire en profondeur sur plus de 1400 m. Son extraordinaire minéralisation proviendrait d’infiltrations d’eaux chaudes, très riches en substances minéralisantes, il y a environ 550 millions d’années.

Azurite Tsumeb Namibie
Azurite Tsumeb Namibie
80 Jours voyages – Credit photo Philippe Thiran
Voyage géologique en Namibie avec Jacques-Marie Bardintzeff

La présence minérale à Tsumeb était connue des habitants de la région bien avant le XIX° siècle. Du minerai de cuivre apparaissait alors en surface et formait ce qui fut appelé “La Montagne Verte” par les Bushmen. Ceux-ci fondaient  ce minerai et faisaient commerce de cette fonte de cuivre avec les tribus voisines.

Ce fut à partir de 1890 que les Européens, essentiellement les Allemands ont pris conscience de la valeur de l’exploitation industrielle du site. Elle démarra en 1893 et s’arrêta définitivement en 1996 après avoir extrait plus de 25 millions de tonnes de minerais divers, qui fournirent environ 1,7 million de tonnes de cuivre, 2,8 de plomb et 1,0 de zinc.

Ce ne sont pas ces cent années d’exploitation qui firent la renommée de cette mine mais son exceptionnelle richesse minéralogique.

247 espèces minérales différentes et reconnues officiellement comme telles, dont 52 ont été découvertes pour la première fois et 40 sont à ce jour spécifiques à la mine.

Dioptase Tsumeb Namibie
Dioptase Tsumeb Namibie
Credit photo Philippe Thiran
Voyages géologique en Namibie avec Jacques-Marie Bardintzeff
80 Jours Voyages

A noter que ce nombre d’espèces différentes représente une proportion  anormalement élevée de tous les minéraux identifiés à ce jour. (note 1)

C’est pourquoi  les collectionneurs professionnels qualifient la minéralogie de Tsumeb de “la plus spectaculaire de la planète”. Non seulement par sa diversité, le nombre de minéraux dont Tsumeb est la localité type voire l’unique localité, mais surtout par la forme extraordinaire des cristaux de plusieurs minéraux et les assemblages particuliers de certains de ceux-ci (voir exemples en annexe). C’est ainsi que cette minéralogie fait la richesse de plusieurs grands musées comme celui de Jussieu à l’université P. et M. Curie à Paris, celui de Berlin, la Smithionian Institution à Washington et le Mim Muséum à Beyrouth.

Les photos de l’Azurite et de la Dioptaze ci-dessus montrent deux de ces cristallisations remarquables.

La mine polymétallique voisine de Berg Aukas fut exploitée de 1913 à 1978, particulièrement pour son contenu de vanadium.

Actuellement,

En premier lieu, l’uranium  exploité à grande échelle dans les mines à ciel ouvert (photo ci-dessous) de Rössing ouverte en 1976  et de Husab depuis 2016, toutes deux situées dans la province d’Erongo, à une soixantaine de km de la ville portuaire de Swakopmund.

Exemple de mine a ciel ouvert
Chuquicamata-Chili
80 Jours Voyages
Voyages géologiques au Chili
Crédit Philippe Thiran

En 2021, la Namibie était considérée comme le troisième producteur mondial derrière le Kazakhstan et le Canada

Cependant, suite à la récente crise énergétique, le gouvernement namibien a décidé  de favoriser le développement de son industrie d’extraction d’uranium.   

Ainsi, sont soit accordées, soit en cours d’examen des demandes de renouvellement de permis d’exploitation pour les mines précitées, de réouverture de trois mines arrêtées, d’ouverture de nouvelles mines et de permis d’exploration.

Alors que les mines de Rössing et d’Husab sont exploitées par deux société étatiques chinoises avec droits de regard, voire de veto du gouvernement namibien, les demandes ci-dessus concernent des sociétés d’exploitation minière australiennes ou canadiennes.

Quelques caractéristiques des exploitations minières en question.

Localisation: toutes sont situées au sud-ouest de la province d’Erongo, dans une zone de rayon de 80 km autour de la ville portuaire de Swakopmund.

 

Mines en activité:

Rössing: en service depuis 1976, son exploitation à ciel ouvert , en gradins, a une forme elliptique de 3,5 km de long et 1,2 km de large.

Uraninite
Uraninite
Credit photo Pierre Louis
Voyage géologique en Namibie avec Jacques-Marie Bardintzeff
80 Jours Voyages

Le minerai est composé à concurrence de 55 % de  pechblende, oxyde d’uranium contenant 88 % d’U et d’urophane, un silicate contenant  40% d’U (photos ci-contre et ci-dessous)

La roche mère est une roche sédimentaire métamorphisée en pegmatite granitique, de plus de 500 millions d’années. La teneur moyenne du minerai y est très faible: en moyenne de l’ordre 0,035% ou 350g/t.

La production annuelle de la mine tourne actuellement autour de 3800 t d’uranium, plus exactement d’oxyde d’uranium, comme expliqué dans la note 1.

A son ouverture, la mine fut exploitée par une firme australienne renommée  laquelle revendit sa participation en 2019 à une firme étatique chinoise. Cependant le gouvernement namibien détient 51% des droits de vote, bien que sa participation au capital se limite à 3%.

Husab: située à 15 km au sud de Rössing, entra en production en 2016. Son exploitation est à ciel ouvert, la nature de la roche mère et la composition du minerai sont similaires à celles de Rössing, mais la concentration de ce dernier est un peu plus élevée, de l’ordre de 0,04%.

Urophane jaune
Urophane jaune
Voyage géologique en Namibie avec Jacques-Marie Bardintzeff
Crédit photo Pierre Louis
80 Jours Voyages

Sa production était de 3600t en 2018. Ses réserves devraient lui permettre de devenir la troisième mine mondiale d’uranium.

La société d’exploitation est actuellement une filiale d’une société chinoise d’énergie nucléaire qui détient 90% du capital, le solde étant aux mains du gouvernement namibien.

 

 

 

Mines arrêtées et remises en service en cours:

Langer Heinrich, mine en service depuis 2005 et arrêtée en 2018, fait  actuellement l’objet d’une remise en ordre de marche par une société  australienne    en vue d’une reprise de la production en 2024. Avant l’arrêt, celle-ci était en moyenne de 6000 t d’oxyde d’uranium.

Le gisement est un sédiment calcaire, le calcrète, typique des régions désertiques, qui s’est formé à l’ère Tertiaire. Il abrite un minerai contenant à la fois de l’uranium et du vanadium, la carnotite. Ce gisement s’étend à faible profondeur de 1 à 100m.                                                                     

Trepkopje,  exploitation minière située à 70 km au nord-est de Swakopmund, est dirigé par la firme d’état française Orano (ex Areva).

Cette mine a commencé à produire en 2008 et a été arrêtée  2012, suite à la détérioration des  conditions du marché de l’uranium, combinée à la très faible teneur de 0,014% (140 ppm) du gisement. Celui-ci est similaire à celui de Langer Heirich.

Les préparatifs en vue de son redémarrage sont en cours.

Valencia, est la première partie d’un vaste complexe minier appelé Norasa, et dirigé par une firme canadienne.

L’exploitation d’un premier gisement situé à Valencia, à 35 km de Rössing ,aurait débuté en 2008 et a été arrêtée en 2013.

Cette année-là, la firme canadienne acquit un gisement voisin appelé Namibplass  et entama une étude de faisabilité en vue de l’exploitation combinée des deux gisements.  Cette étude fut publiée en 2015.

Cette firme qui a la propriété exclusive de ces gisements, vient d’introduire une demande de permis d’exploitation d’une durée de 25 ans pour  le complexe minier Norasa.

 

Projets en cours de développement

Trois projets, situés également dans la même région de la province d’Erongo, sont actuellement en cours d’études par trois autres firmes australiennes. Il s’agit de l’exploitation de l’uranium à Tumas, Etango et Koopies.

Les études de pré-faisabilité  sont terminées, des campagnes d’exploration par sondages sont ou vont être entamées.

Dans la seconde partie de cette chronique seront examinées les exploitations industrielles d’or, de cuivre et de zinc, et les exploitations artisanales qui font surtout le bonheur des collectionneurs et des musées.

Note 1

Le nombre de minéraux identifiés à ce jour par l’organisme international – l’I.M.A.- est de 5863. Ce nombre est constamment mis à jour. Les 247 espèces identifiées à Tsumeb représentent ainsi  4,2 % du total.actuel.

A titre de comparaison, le nombre de plantes recensées sur notre planète est

d’environ 400.000 et le nombre d’êtres vivant invertébrés  approche le million d’espèces différentes.

 

Note 2

L’uranium, 92° élément atomique naturel de la classification de Mendeleev,    

est présent dans la croûte terrestre en teneur très variable (de 6 à 88 %), dans plus de 250 composés répartis dans 5 des 9 classes de minéraux. De plus, la concentration des uranifères dans le minerai exploité est très faible, elle varie de 150 à 500 ppm. D’où la nécessité de concentrer ce minerai avant expédition pour traitement en usine.

Le concentré requis est un oxyde d’uranium (U3O8), plus connu sous le nom de Yellow Cake. Par convention, la production minière correspond à la quantité de Yellow Cake expédiée.

Note 3

L’origine des gisements d’uranium continue à faire l’objet de recherches car beaucoup d’aspects s’avèrent insatisfaisants ou sont contestés.

La publication récente d’un article par un géologue australien, aussi impliqué dans le projet Koopies ci-dessus, fait le point sur ce sujet.

L’origine des dépôts est clairement liée à la collision des cratons du Kalahari et du Congo entrainant métamorphismes et intrusions granitiques, qui plaident pour une origine magmatique de l’uranium.

La minéralisation des masses granitiques reste un sujet de controverses, le processus hydrothermal, le plus vraisemblable, ne s’appliquant pas à certains gisements.

Note 4

Les données concernant l’uranium étant bien évidemment des données sensibles, tous les chiffres cités sont à considérer avec prudence et réserves d’usage.

 Bibliographie

 – The Mineralogical Record:Tsumeb, May-June 1977

Extra Lapis 47, Namibia: Mineralien & Fundstellen, 2014

Dossier Futura-Sciences: Cent jours en Namibie, Claire Kônig, 2017

Mining Data Online: Namibia 2021

– Publication Geoscience, University of Western Australia : Alaskite-Type Uranium Deposits: a review by Andy Wilde, mars 2022,

 

– Notes prises au cours des explications de Jacques-Marie Bardintzeff, durant le voyage en Namibie en avril/mai 2022, organisé par 80 Jours Voyages.