Chronique 8 : Les émeraudes de Colombie

Un article de P. Thiran

 

Les ressources minérales de la Colombie

L’émeraude est la ressource minérale emblématique de la Colombie. Non seulement ce pays en est le premier producteur mondial avec une part de marché de 55 à 60 %, mais aussi la qualité des émeraudes produites est universellement reconnue comme supérieure et incomparable.

Les autres ressources minérales importantes de la Colombie sont: le charbon, l’or et le nickel.

Définition de l’émeraude

L’émeraude est une pierre gemme, qualifiée de précieuse avec le diamant, le rubis et le saphir. Les autres gemmes, comme l’aigue-marine, l’améthyste, la topaze, ….sont qualifiées de pierres fines, au lieu de pierres semi-précieuses dans le passé.

Son nom provient du grec smargdos, qui jadis se rapportait à un certain nombre de pierres vertes. Il désigne actuellement une « pierre verte lumineuse » et se traduit plus simplement par émeraude.

L’émeraude du point de vue minéralogique

Du point de vue minéralogique, l’émeraude est la variante verte du béryl. Celui-ci est un silicate d’aluminium et de béryllium, qui cristallise dans le système hexagonal. Il prend généralement la forme d’un prisme à base hexagonale, comme le montre la photo ci-dessus. Sa dureté varie entre 7,5 et 8, soit entre celle du quartz et de la topaze.

Sa coloration vert intense s’explique par la présence de chrome et parfois de vanadium, dans les deux cas sous forme d’impuretés dans le réseau cristallin du béryl lequel est naturellement blanc ou incolore. D’autres impuretés comme de la matière carbonatée sont parfois piégées lors de la cristallisation.

La coloration des minéraux a de multiples causes résumées dans la note 1. Pour la plupart, elle provient de l’absorption sélective de la lumière blanche.

L’origine de l’extraction de l’émeraude

L’extraction de l’émeraude a débuté en Haute Egypte, dans la région d’Assouan, dès le XIII° siècle avant notre ère. Ultérieurement, ces mines ont été nommées  «Les Mines de Cléopâtre  », lesquelles sont encore exploitées aujourd’hui, mais les gemmes extraites sont de piètre qualité.

En Colombie, l’extraction des émeraudes a débuté ça et là, au V° siècle avant notre ère, par les tribus  Muisca, qui occupaient le nord de l’Amérique du Sud.

Ce n’est qu’après la conquête de la région par les Espagnols, que des gisements ont été découverts et exploités dans diverses mines réparties dans le pays.

Actuellement, l’exploitation est concentrée dans trois centres miniers: ceux des  municipalités de Chivor, de Muso et de Pita, situés dans le département de Boyaca, à une centaine de km au nord-est de Bogota, dans la Cordillère Orientale.

Les émeraudes de Colombie, un contexte géologique unique

Les émeraudes s’y trouvent dans un contexte géologique unique d’origine sédimentaire: des schistes argileux dans lesquels les éléments constitutifs de l’émeraude ont été mobilisés par une solution hydrothermale.

Dans les gisements des autres pays, listés dans la note 2, elles se rencontrent dans des pegmatites (roches à gros cristaux) le plus souvent granitiques.

 

La taille “émeraude”

En raison de sa fragilité, une taille particulière a été mise au point. Elle consiste à couper et facetter les quatre angles de la gemme de manière à la rendre moins vulnérable aux chocs. Cette taille est surnommée « taille émeraude ».

Les pierres transparentes de couleur claire sont aussi parfois taillées en brillant, tandis que les pierres troubles ne sont taillées qu’en cabochon, voire en boule de collier.

Les émeraudes artificielles

Comme pour les autres pierres précieuses, l’homme s’est ingénié à les fabriquer artificiellement. On parle alors de « pierres synthétiques ».  Les techniques de production sont actuellement si parfaites qu’il n’est pas possible de les distinguer à l’oeil nu. Elles possèdent, en effet, les mêmes propriétés chimiques et physiques.

Le point de départ des procédés de synthèse est la préparation d’une poudre dont la composition chimique est celle de la pierre à synthétiser à laquelle on ajoute le ou les éléments colorants. Cette poudre est versée dans un creuset où elle est portée à  haute température et à haute pression selon le procédé. La matière en fusion est ensuite tirée hors du bain. La cristallisation s’amorce généralement au départ d’un cristal germe.

Pour l’émeraude, on applique la méthode dite de  « dissolution hydrothermale », dans laquelle une solution aqueuse avec les matières premières correspondantes est soumise à hautes pression et température.

Pour les distinguer des pierres naturelles, il est nécessaire de les confier à un laboratoire équipé des équipements requis, dont le réfractomètre, ce qui signifie qu’en cas d’achat il est indispensable de requérir un certificat d’authentification par un laboratoire reconnu.

La fabrication artificielle d’une pierre est à ne pas confondre avec l’imitation  de celle-ci, comme expliqué dans la note 3.

 

L’émeraude a un prix

Le prix d’une émeraude de grande qualité est du même ordre que le prix d’un diamant, soit 2 à 3000 euros par carat, l’unité de référence en joaillerie qui égale 0,2 g.

Les photos ci-dessous montrent trois bagues d’émeraudes de taille différente.

 

Notes

Note 1. La Coloration des Minéraux.

Selon des recherches toujours en cours, six causes ont été identifiées:

– la coloration « allochromatique », comme celle de l’émeraude,

– « idiochromatique », où la couleur est apportée par un élément de la composition chimique du minéral. C’est le cas de l’azurite, carbonate de cuivre, où l’élément cuivre apporte sa couleur bleu azur.

–  la présence de « centres colorés », centres créés par une irradiation naturelle ou artificielle. A noter que la couleur disparait souvent par la chaleur, comme dans le cas de l’améthyste qui, par chauffage, devient jaune ou verte.

– les autres causes font appel à une connaissance approfondie des liaisons chimiques.

 

Note 2. Les Gisements d’émeraude, hors Colombie.

Le Brésil est aussi riche en beaux gisements, de même que les USA en Caroline du Nord, et plus récemment en Zambie. La Russie possède également des gisements situés dans l’Oural, mais les émeraudes y sont de qualité moyenne.

Enfin, plus près de chez nous, l’Autriche dans le massif des Hohe Tauern, produit des prismes de plusieurs cm plus ou moins gemmes.

 

Note 3. Synthèse versus Imitation.

Les imitations de pierres précieuses sont des copies de celles-ci, obtenues par reconstitution ou recomposition à l’aide de pierres naturelles ou artificielles. Elles ne possèdent ni les propriétés chimiques et physiques, ni la structure cristalline et  sont, de ce fait, plus facilement reconnaissables.

Ainsi, une émeraude « imitée »se composera d’un triplet « quartz-couche colorée verte-quartz ».

 

Sources bibliographiques

  – Guide des pierres précieuses, fines et ornementales, par Walter Schumann, Delachaux et Niestlé, 1994,

 – Quand la Pierre se fait précieuse, musées royaux d’Art et Histoire, 1995,

– Bulletins de l’Association Géologique du Brabant Wallon, mai 2002 et janvier 2012,

– Roches et Minéraux du monde, par Ronald Bonewitz, Delachaux et Niestlé, 2014,

– Minéraux, le guide des passionnés, par Julien Lebocey, Les Editions du Piat, 2019.

 

Crédits photographiques et source des émeraudes 

– Les quatre photos sont de Pierre Louis. Les émeraudes appartiennent à la famille de l’auteur.

 

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La minéralogie comme la volcanologie sont des sciences qui évoluent avec le temps au fur et à mesure de l’avancée de la recherche et des connaissances. Ce qui est vrai à un instant T peut être remis en cause le lendemain. Philippe Thiran, l’auteur de ce post, se tient à disposition de ceux qui voudraient échanger à propos des notions géologiques présentées. Vous pouvez nous contacter pour avoir ses coordonnées personnelles.

 

Comments

Pierre G.
mars 2, 2022
Merci Philippe pour ce rappel et les précisions apportées. A bientôt

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