Un article de P. Thiran

Carte de l’île de Jacques Lapaire

 

L’île de Groix

L’île de Groix est située le long de la côte sud de la Bretagne à 7 km de Lorient. L’île s’étend face à la côte sur 8 km de long et jusqu’à 3 km de large; elle occupe une superficie de 15 km2.

A la différence du continent armoricain, essentiellement constitué de roches magmatiques (granites), la quasi totalité des roches de l’île sont d’origine métamorphique. Au sein de ces roches se sont formés des minéraux, dont l’apparition requiert des conditions de température et de pression élevées, ce qui est le cas des grenats.

L’île renferme une des rares réserves géologiques d’Europe, située au sud-est de l’île entre la « Pointe des Chats » et la localité de Locmaria. Outre un remarquable inventaire de roches métamorphiques de diverses origines, la réserve est riche en placers à grenats, dont l’importance fluctue au gré des courants marins.

 

Les affleurements rocheux de la Réserve

Il est maintenant établi que les roches métamorphiques de Groix sont les témoins du fonctionnement d’une zone de subduction, lequel se déroula durant le Dévonien, pendant la formation de la chaîne hercynienne.

Sur l’ensemble de l’île, 80% des affleurements sont constitués de micaschistes. Ces micaschistes ont pour origine des argilites, qui ont été transformées (métamorphisées) sous une température de 450°C et une pression de 12 kbar. Ces conditions de température et de pression ont été obtenues à une profondeur de 36 km lors de la subduction, plus précisément lors de l’enfoncement d’une plaque contenant ces argilites, sous une autre. Ces argilites sont elles-mêmes le produit de la décomposition de feldspaths et de micas détachés par érosion d’un ancien massif de granite.

Il y a d’autres affleurements rencontrés dans la Réserve.

 

Les schistes bleus

Les schistes bleus ou schistes à glaucophane, appelés aussi glaucophanites. Ces schistes proviennent de la transformation de basaltes effectuée aussi sous une température de 450°C et une pression de 12 kbar, lors du même phénomène de subduction. Ces schistes contiennent essentiellement de la glaucophane. De couleur bleue, la glaucophane est un silicate à chaîne double de la famille des amphiboles; il se présente ici sous forme de grosses fibres. Ces schistes contiennent aussi de l’épidote verdâtre, appelée pistachite. La présence d’un « boudinage » de la glaucophanite de taille métrique, intercalée dans les micaschistes, est remarquable.

 

Schistes Bleus, Photo de Philippe Thiran

Les schistes verts

Les schistes verts, dont la couleur verte est due à la présence de minéraux verts (chlorite, hornblende, actinote), ont également pour origine des basaltes métamorphisés mais à des conditions de température et de pression plus basses: 400°C et 4 kbar. Ces conditions ont été obtenues à une profondeur de 12 km au lieu de 36 km pour les schistes bleus.

La présence des minéraux verts, qui sont des silicates hydratés, suppose que la transformation en schistes verts s’est effectuée à la remontée des roches après leur enfoncement et en présence d’eau. En quelque sorte, ces schistes verts sont des schistes bleus, hydratés et « rétromorphisés ».

 

Schistes Verts, Photo de Philippe Thiran

Les quartzites roses

Les quartzites roses, beaucoup moins abondants, ont une origine bien différente. Ils proviennent d’un métamorphisme de radiolarites, c-a-d de roches constituées à l’origine par l’accumulation d’organismes marins microscopiques: les radiolaires. La couleur rose émane de la présence de manganèse qui a donné naissance à un grenat typique: la spessartite.

 

Quartzites Roses, Photo de Philippe Thian

 

Les Grenats

Vu l’abondance et la diversité de ses grenats, l’île de Groix aurait pu s’appeler l’île aux Grenats. Les grenats, désignés en minéralogie sous le vocable « Groupe des grenats » sont des minéraux typiques du métamorphisme. Ce sont des silicates alumineux de Fe, Mg, Mn et Ca, à la structure cristallochimique similaire. Ils cristallisent dans le système cubique, idéalement sous la forme du dodécaèdre; leur formule chimique générale peut s’écrire: (Fe,Mn,Mg,Ca)3Al2[SiO4]3.

A Groix, on trouve l’almandin(Fe), la spessartite(Mn), le pyrope(Mg) et le grossulaire(Ca). En réalité, les grenats de l’île sont un mélange de ces grenats-types, sauf sur les quartzites où la spessartite domine.
En outre, dans un grenat donné, la composition varie du cœur à la bordure.

De dureté comprise entre 6,5 et 7,5 il résiste bien à l’altération, contrairement à la glaucophane, et ceci d’autant plus qu’il est stable dans une gamme étendue de température (350 à 1000°C) et de pression (4 à 100 kbar).

Les grenats présentent une grande diversité de couleur qui s’étend de l’incolore au rouge très foncé en passant par l’orange et le vert avec toutes les nuances de ces couleurs. Ainsi, l’almandin est le plus souvent rouge-foncé, la spessartite orange et l’andradite (Ca) vert-jaune.

 

Grenats, Photo de Philippe Thiran

 

Grenats Spessartite, Photo de Philippe Thiran

 

Les grenats suscitent l’intérêt de différentes parties

D’abord celui des joailliers et ce, depuis l’Antiquité où on les considérait comme talismans protecteurs. Ensuite, comme pièces d’orfèvrerie depuis l’Empire Romain jusqu’à nos jours.

Comme ils sont beaucoup plus répandus que les corindons, ils ont été et sont encore utilisés de nos jours comme poudre abrasive aux multiples usages.

Plus récemment, les géologues se sont rendus compte que les grenats apparaissant dans un grand nombre de roches métamorphiques, leur variation de composition interne permettaient de reconstituer les conditions physico-chimiques des terrains qui les contenaient. En particulier, sur le degré d’enfouissement des roches dans les phénomènes de subduction. C’est le cas sur l’île de Groix.

Enfin, aucun grenat rencontré à Groix, n’est de qualité « gemme », ce qui a fait dire à la Conservatrice, que ce fait est une chance pour la sauvegarde de la Réserve!

 

Notes

Note 1. Il va de soi qu’aucun prélèvement de quoi que ce soit n’est autorisé dans la Réserve, mais à proximité, à l’est de la Pointe des Chats, la plage des Sables Rouges se couvre régulièrement d’une épaisse couche de grenats qui y sont amenés par les courants marins.

Quelques Grenats de la Plage des Sables Rouges Photo de René Vandenbosch

 

Sources bibliographiques :

–  Explications fournies par Catherine Robert, conservatrice de la Réserve, lors d’un stage géologique du Muséum de Bruxelles, organisé dans le Morbihan en août 2013.

– Grenats, le cahier des Micromonteurs, numéro 129-3/2015,

– Jacques Lapaire, rédacteur du bulletin des arénophiles-AFA.

 

  Credits photographiques :

 – Jacques Lapaire pour la carte de l’île.

– l’auteur pour les autres illustrations 2 à 7

– René Vandenbosch pour la 8.

 

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La minéralogie comme la volcanologie sont des sciences qui évoluent avec le temps au fur et à mesure de l’avancée de la recherche et des connaissances. Ce qui est vrai à un instant T peut être remis en cause le lendemain. Philippe Thiran, l’auteur de ce post, se tient à disposition de ceux qui voudraient échanger à propos des notions géologiques présentées. Vous pouvez nous contacter pour avoir ses coordonnées personnelles.