Les Ressources Minérales de la Transition Énergétique par P. Thiran

Les ressources minérales de la transition énergétique, état des lieux et défis à venir !

CHRONIQUE # 11 – 1° Partie – Philippe Thiran

Situation actuelle

Cette chronique examinera les ressources minérales qui sont et seront nécessaires pour réaliser la transition énergétique laquelle devra permettre la suppression  de matières fossiles contenant du carbone pour la production d’énergie.

Seront traités les domaines suivants impliqués dans cette transition:

  • Production électrique: les éoliennes, les panneaux photovoltaïques,  p.m. les centrales nucléaires pour lesquelles il n’y a pas actuellement de ressources nouvelles.
  • Stockage de l’électricité: les batteries rechargeables,
  • Mobilité: les voitures automobiles à propulsion hybride et électrique,

Les ressources en question concernent à la fois les métaux et les minéraux qui les contiennent. Parmi ces métaux, certains comme le fer, le cuivre, l’aluminium, le nickel sont bien connus et utilisés depuis longtemps dans diverses applications industrielles. D’autres comme le silicium, le lithium, le cobalt, les Terres Rares sont connus mais  utilisés pour quelques applications spécifiques: les ordinateurs et les téléphones portables.

Comme leur demande devient importante, suite aux énormes besoins de la transition énergétique,  ils seront examinés en premier lieu avec leurs propriétés, leurs minerais et les gisements en cours d’exploitation.

 

– I –Les métaux propres à la transition énergétique

1.1 En premier lieu: les Terres Rares.

Ce sont les éléments les plus demandés dans la transition énergétique, particulièrement pour la fabrication des pales des éoliennes et leur générateurs d’électricité, les moteurs et divers accessoires des véhicules électriques. S’y ajoutent  les besoins croissants pour les smartphones, les ordinateurs et autres appareils numériques liés à l’Intelligence Artificielle (A.I.)

7 - lLes Lanthanides ©Christian Demaret
7 – lLes Lanthanides ©Christian Demaret

Les terres rares (en abrégé les REE ou Rare Earth Elements) sont constituées des 14 éléments atomiques  des Lanthanides, groupe à part dans le tableau de Mendeleev (voir note 1 et figure 7) auxquels se joignent le Scandium et l’Yttrium soit un total de 16 éléments aux propriétés chimiques très voisines.

Le  qualificatif “rare” est plutôt inapproprié, étant donné que ces “terres” ne sont pas rares stricto sensu. Elles sont abondantes dans la croûte terrestre, mais de façon très diluée, de telle sorte qu’il y a peu de gisements ayant une teneur suffisante pour être exploités économiquement. A cela s’ajoute le fait que leurs minerais contiennent souvent plusieurs éléments qu’il est difficile de  séparer les uns des autres.

Les utilisateurs distinguent les REE légères soit les 7 premiers lanthanides qui constituent environ 70%  de la demande et les REE lourdes y compris l’yttrium. Parmi les REE légères, ce sont le néodyme et praseodyme, utilisés pour la fabrication d’aimants permanents de grande puissance (sous la forme d’un alliage avec le fer et le chrome), dont la consommation est actuellement la plus élevée. Le cérium est un composant des panneaux photovoltaïque

Plus de 200 minéraux contiennent des REE. Parmi ceux-ci, les plus utilisés actuellement sont pour les REE légères: la monazite et la bastnäsite. Ce sont des minerais riches contenant de 50 à 70 % d’oxydes de terres rares. Les REE lourdes proviennent principalement du xénotime. La monazite est un phosphate de néodyme, de praséodyme, … et de thorium radioactif (figure1), tandis que la bastnäsite (figure2) est un carbonate de fluor riche en cérium mais qui ne contient pas d’éléments radioactif. Le xénotime est un phosphate d’yttrium et d’éléments lourds des REE.

1 - Monazite ©Christian Demaret
1 – Monazite ©Christian Demaret

2 - Bastnasite ©Christian Demaret
2 – Bastnasite ©Christian Demaret

Le plus grand gisement de terres rares est celui de Bayan Obo, situé en Chine dans la province de Mongolie Intérieure. Les REE y sont incluses dans la monazite et la bastnäsite. D’autres gisements contenant cette dernière se situent dans les provinces de Sichuan et de Shandong.

En Californie, les Etats Unis possèdent également un gisement important, celui de Montain Pass dont le minerai principal est aussi de la bastnäsite  qui contient tous les éléments légers des lanthanides. La mine fut arrêtée suite à la concurrence chinoise et a été récemment remise en exploitation par un consortium de sociétés minières dont une chinoise.

La France possède un des meilleurs gisement mondiaux de la bastnäsite, contenant notamment du cérium, dans la grande carrière de talc de Trimons, située dans l’Ariège. Cette carrière est toujours en activité et a produit   400.000 t de talc en 2022 soit 10% de la production mondiale. L’exploitation à grande échelle des bastnäsites suppose une extension  de cette carrière dans la partie du gisement pauvre en talc.           

La production mondiale de terres rares (exprimées en t d’oxydes) en 2022 est estimée à 345.000 t, dont 210.000 soit 60% en Chine, suivie des USA avec 43.000 soit 12% . Ces oxydes sont traités majoritairement en Chine qui produit ainsi la plus grande part mondiale du néodyme, cérium, …..

 

1.2 – le Lithium.

C’est l’élément atomique le plus léger des solides et est aussi très réactif. Actuellement il est le composant essentiel des batteries utilisées pour le stockage de l’électricité des sources d’énergie intermittentes, pour la propulsion des véhicules électriques, le fonctionnement des ordinateurs et téléphones portables.

4 - Dépot de sel de Lithium, désert d'Atacama,Chili ©Philippe Thiran
4- Dépot de sel de Lithium, désert d’Atacama,Chili ©Philippe Thiran

La concentration du lithium ( Li) dans la croûte terrestre est de l’ordre de 20 ppm à comparer à celle du plomb et du cuivre de 14 et 60 ppm  respectivement. Le Li n’existe pas à l’état naturel. On le trouve soit sous forme de roches indurées dans des pegmatites granitiques, soit de saumures dans les grands déserts de sel, avec des concentrations d’oxydes de Li variant de 0,3 à 0,03%.

La majeure partie des ressources mondiales en lithium sont actuellement ces saumures que l’on trouve dans les salars du Chili (celui du désert d’Atacama), de la Bolivie (le salar d’Uyuni, le plus important, mais non exploité)  et de l’Argentine. Sous forme minérale, le lithium  est un élément  du spodumène (un alumine-silicate de Li) et de la lépidolite. (un mica lithifère) (figure 4). L’Australie détient la majorité des gisements en exploitation sous cette forme.

En 2022, le premier producteur était le Chili (36%), suivi de l’Australie (24%), l’Argentine (10%) et la Chine (8%).

 

 

1.3 – le Cobalt

Dans le cadre de la transition énergétique, le cobalt (Co) va de pair avec le lithium pour les batteries. Avec le fer et le nickel, il est le troisième élément aux propriétés ferromagnétiques. Il est donc aussi utilisé dans la fabrication des aimants permanents pour les générateurs et moteurs électriques actuels.

5-Malachite sur Hétérogénite ©Philippe Thiran
5-Malachite sur Hétérogénite ©Philippe Thiran

C’est un. métal rare qui n’existe pas à l’état natif. Il est essentiellement un sous-produit du cuivre et du nickel comme l’hétérogénite ( hydroxyde de Co, de couleur noire) support de la malachite ( carbonate de Cu) (figure 5).      Plus de la moitié de ce métal provient des gisements de cuivre de RDC et de Zambie dans la zone appelée Copperbelt.

Viennent  ensuite les dépôts de latérites à nickel en Australie et à Cuba. Au Maroc, dans le complexe minier de Bou Azzer, le cobalt est extrait d’un arséniure (la skuttérudite), qui est le minéral de cobalt le plus courant.

En 2022, la production mondiale atteignait 190.000 t, dont 130.000 ou 68% en RDC, 10.000 en Indonésie et 9.000 en Russie. La Chine est  aussi le premier producteur de cobalt raffiné et le premier consommateur pour les batteries rechargeables.

 

 

1.4 – le Silicium

Le silicium (Si) est le second élément le plus abondant dans la croûte terrestre. ce n’est pas un métal à proprement parlé mais un métalloïde comme l’antimoine. Il n’existe pas à l’état naturel à cause de sa grande réactivité vis à vis de l’oxygène avec lequel il forme la silice, composant de base des silicates qui constituent 97 % de la croûte terrestre.

Le silicium métal           est obtenu par réduction de la silice. Cette réaction chimique est énergivore et son rejet de dioxyde de carbone croît avec le degré de pureté nécessaire pour ses diverses applications. La figure 6 montre le silicium sous forme de granules. Pour être utilisé dans les cellules photovoltaïques, il est raffiné à un haut degré de pureté (> 99,9999 %) et transformé en une forme cristalline, dénommée polysilicium.  Jusqu’à présent, il n’y a pas de substitut commercialisé aux performances équivalentes. Son taux actuel de recyclage est faible (< 10%).

La production mondiale de polysilicium, tous usages compris, serait de 600.000 t en 2021, dont 75 % en Chine. Pour les panneaux photovoltaïques, la Chine en produit plus de 80%.

 

Note 1 : Les Lanthanides.

Dans le tableau périodique des éléments atomiques, conçu en 1869 par le savant russe Mendeleev, les atomes sont classés dans l’ordre croissant de leur masse atomique et en réunissant les éléments de propriétés analogues.

La  figure7 donne une vue d’ensemble de ce tableau sur lequel apparaissent deux exceptions. La première: les éléments 58 à 71, appelés les lanthanides, se suivent sur une ligne qui est rattachée au numéro 57 le lanthane.  Ceci signifie que tous ces éléments ont des propriétés voisines, ce qui les rendent  difficilement séparables les uns des autres.  La seconde exception, similaire à la première, n’est pas concernée par cette chronique.

 

Sources bibliographiques.

 – Géologues, n° 204, les métaux de la transition énergétique, collectif, 2020,

Bulletins de l’Association Géologique du Brabant Wallon, n° 222, 223, 224,   Christian Demaret, 2013

 

Post-scriptum.

L’auteur insiste sur le fait que ce qui est décrit ci-dessus est le reflet des données et informations au moment de la rédaction de cette chronique.      Comme cette transition doit être réussie, des recherches sont en cours partout dans le monde pour améliorer les performances, le recyclage, trouver des substituts moins coûteux, moins énergivores ou plus abondants. Ce sera l’objet de la seconde partie après avoir estimé les besoins en matériaux courants comme le cuivre ou l’aluminium.

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