« Blackfish », ou l’envers du décor

C’est un documentaire qui fait parler de lui aux Etats-Unis, et bien que sa diffusion soit prévue sur Arte en 2014 et pas sur les écrans de cinéma, espérons qu’il ait son effet ici aussi. Réalisé par l’américaine Gabriela Cowperthwaite, Blackfish, sorti sur les écrans américains en juillet 2013, revient sur un fait divers tragique qui avait, à l’époque, beaucoup ému l’Amérique : la mort, en 2010, de la dresseuse d’orques Dawn Brancheau, attaquée par un des animaux du parc Seaworld.

Au delà de l’intérêt de son sujet, une autre raison nous donne envie de voir ce documentaire : il n’a pas été fait par une fervente défenseur de la cause animale dont le manque d’objectivité aurait pu nuire au propos. La réalisatrice est une maman ayant amené plusieurs fois ses enfants dans le célèbre parc d’attractions, et c’est sa perplexité face à un tel événement qui l’a poussée à enquêter sur ses causes. Elle était apparemment loin de se douter de ce qu’elle allait découvrir.

Car Gabriela Cowperthwaithe remet en cause toutes les belles paroles de Seaworld, qui affirme haut et fort que les orques vivent plus longtemps en captivité, grâce notamment à un suivi médical poussé ( le suivi médical, forcément plus poussé dans un parc animalier que pour des animaux en liberté, n’ a en réalité aucune conséquence sur la longévité des orques ; il semble au contraire que celles-ci meurent plus jeunes en captivité ). Qu’elles sont l’objet de toutes les attentions, que leurs conditions de vie feraient pâlir d’envie leurs confrères à l’état sauvage. Et qu’un animal sauvage de près de 5 tonnes n’est absolument pas dangereux en captivité. En cherchant à remonter au tout début de l’histoire de Tilikum, l’orque tueuse, c’est tout autre chose que la jeune femme à découvert.

La capture, pour commencer, décrite par un ancien pécheur ayant assisté, dans les années 70, aux premières prises d’orques. Les conditions de détention, ensuite, et les attaques d’individus entre eux ; la promiscuité exacerbant l’agressivité, façonnant des animaux violents, au comportement imprévisible.

Plus qu’une erreur de la part de Dawn Brancheau, c’est tout un enchaînement de comportements humains face à un animal sauvage que le film semble remettre en cause. Et une logique qui n’est pas près de s’arrêter, vu les bénéfices dégagés par les parcs de la franchise Seaworld. A la vente des billets d’entrée s’ajoutent évidemment les désormais célèbres produits dérivés, peluches et autres reproductions animalières, et le filon semble bien trop juteux pour que la direction de Seaworld puisse envisager de le sacrifier. C’est alors au consommateur qu’il faut s’adresser, pas simplement en jouant sur la corde sensible mais en démontrant l’absurdité d’un système basé sur l’omnipotence humaine.

Observer les orques ailleurs que dans un parc d’attractions, les voir évoluer dans leur environnement naturel, c’est possible, sur la péninsule de Valdès, en Argentine. Là, une dizaine d’orques a appris à chasser les phoques sur la plage, avec une technique appelée « échouage volontaire », qui met le prédateur en danger de mort. Les adultes enseignent aux plus jeunes cette méthode de chasse à laquelle ils sont contraints, à cause de la raréfaction des ressources en mer.

Pour assister à ce spectacle époustouflant, découvrez le programme de notre voyage d’observation des orques en Argentine.